Les premiers secours en entreprise: une obligation légale

Juridique
20 Avr, 2022

Dans la mesure où une urgence peut survenir à tout moment dans une entreprise, l’employeur doit être à même de faire face à tous incidents et accidents au sein de son organisation. Il est ainsi responsable, en cas d’urgence médicale, d’apporter des secours rapides et qualifiés durant les heures de travail. Qu’est-ce que cette obligation implique juridiquement en termes d’équipement, de formation et de logistique? Le point avec notre partenaire CJE, Avocats, Conseillers d’Entreprises.

La sécurité et la santé au travail sont régies par plusieurs lois. La prévention des accidents du travail et des maladies professionnelles (sécurité au travail) est essentiellement réglée par la loi sur l’assurance accident (LAA), tandis que la santé au travail relève de la loi sur le travail (LTr).

Nous examinons ci-dessous les obligations qui ressortent de la LTr.

Premiers secours: définition

Les premiers secours consistent à apporter de l’aide et les premiers soins urgents à une personne malade ou blessée. On entend par là les mesures que peut prendre tout un chacun pour sauver une vie, ou pour écarter ou limiter jusqu’à l’arrivée des secours professionnels les dangers des problèmes imminents de santé. Il s’agit en particulier de:

  • transmettre l’alarme;
  •  prévenir les services de secours;
  • sécuriser les lieux;
  • aider la personne en détresse.

L’employeur doit veiller à ce que les premiers secours soient apportés correctement et assurés à tout moment dès qu’un collaborateur travaille dans l’entreprise (SECO, Commentaire des ordonnances 3 et 4 relatives à la LTr, Art. 36 OLT 3)

Les obligations de l'employeur

Selon l’art. 6 LTr, l’employeur est tenu de prendre toutes les mesures pour protéger la santé des travailleurs:

  • dont l’expérience a démontré la nécessité
  • que l’état de la technique permet d’appliquer et
  • qui sont adaptées aux conditions d’exploitation de l’entreprise.

Selon l’art. 328 CO, l’employeur doit, dans la mesure où les rapports de travail et la nature du travail permettent équitablement de l’exiger de lui, prendre pour protéger la vie, la santé et l’intégrité personnelle de ses collaborateurs les mesures commandées par l’expérience:

  • applicable en l’état de la technique et
  • adaptées aux conditions de l’exploitation ou du ménage.

Les premiers secours en détail

a. Formation Lorsque l’employeur confie à un ou plusieurs collaborateurs certaines tâches en matière de protection de la santé, il doit les former de manière appropriée, assurer leur perfectionnement, leur attribuer des compétences précises et leur donner des instructions claires (Art. 7 al. 2 OLT 3).

b. Équipement L’employeur doit mettre à disposition un équipement «standard» de premiers secours, ainsi qu’un équipement adapté aux dangers spécifiques de l’activité, tant pour faire face aux cas de peu de gravité qu’aux blessures graves et aux urgences médicales.

L’équipement «standard» dépend de la taille de l’entreprise, mais il doit contenir le matériel pour soigner des plaies et des brûlures, des gants de protection, un masque respiratoire, un sachet réfrigérant, etc.

Un défibrillateur ne figure plus depuis 2017 dans la liste indicative du matériel de premiers secours établi par le SECO. Certains cantons ont établi leurs propres règles à ce sujet. Il faut régulièrement contrôler la composition du matériel de premiers secours, les dates de péremption et si le matériel est complet. Un relevé de ces contrôles doit être tenu.

c. Concept en d’urgence L’employeur doit établir un plan des premiers secours qui définit le concept en cas d’urgence. Il est spécifique à chaque entreprise qui l’établit en prenant en considération les dangers présents, la taille ainsi que la situation géographique, car cela est différent si l’entreprise est située dans une région excentrée ou proche de secours.

Le plan des premiers secours définit les tâches, les compétences et les responsabilités des secouristes.

Les collaborateurs doivent être régulièrement informés et formés du concept en cas d’urgence. Les nouveaux collaborateurs doivent bénéficier d’une formation lors de la prise d’activité. La notion de collaborateurs doit être comprise largement et inclure les intervenants externes.

d. Travailleurs isolés L’employeur doit s’assurer que le travailleur isolé en soit apte sur le plan psychique, physique et intellectuel (art. 45 OLT 1 – examen médical et conseils) d’une part et d’autre part lui garantir une assistance immédiate. On considère qu’une personne travaille seule lorsqu’elle est sans contact visuel ou hors de portée de voix. Les travailleurs isolés doivent avoir la possibilité d’appeler de l’aide à proximité immédiate du lieu où ils se trouvent, par exemple au moyen d’un téléphone mobile.

e. Tops 10 des urgences médicales L’employeur doit mettre en place des premiers secours permettant de faire face au top des 10 urgences médicales qui sont les suivantes:

  1.  arrêt cardiaque/circulatoire;
  2. infarctus;
  3. attaque d’apoplexie;
  4. blessures de la colonne vertébrale;
  5. forte hémorragie interne/externe;
  6. convulsion;
  7. obstruction des voies respiratoires/détresse respiratoire;
  8. graves troubles circulatoires/perte de conscience;
  9. graves blessures de la peau/des muqueuses (irritation, brûlure)10. situation d’urgence psychique.

f. Dangers particuliers Lorsqu’il y a des dangers spécifiques à l’activité de l’entreprise, il faut également déterminer les premiers secours en fonction du type spécifique de blessures.

On peut citer à titre d’exemple de dangers particuliers un risque d’incendie et d’explosion en cas d’utilisation de liquides facilement inflammables, un risque d’électrisation, de bruit dangereux pour l’ouïe, de chute en cas de postes de travail surélevés, de déplacement manuel de charges lourdes, etc.

En cas d’utilisation de liquides inflammables, il faut interdire l’accès à certaines installations, prévoir des voies d’évacuation, installer une ventilation suffisante, prévoir un marquage des récipients et conduites, un entreposage séparé, limiter les quantités stockées, etc.

g. Temps consacré aux premiers secours Il faut distinguer deux situations:

  • Intervention de premiers secours: l’intégralité du temps d’intervention de premiers secours compte comme temps de travail.
  • Service de piquet: le temps consacré à un service de piquet effectué en dehors de l’entreprise compte comme durée de travail dans la mesure de l’activité effectivement déployée pour l’employeur (Art 14 OLT 1), y compris le temps pour se rendre sur le lieu de travail et en revenir (Art. 15 OLT 1).

h. Nombre de secouristes Selon le SECO, il doit y avoir 1 – 2 secouristes jusqu’à 10 collaborateurs, 6 jusqu’à 50, 8 jusqu’à 100 et 10 jusqu’à 250 ; au-delà, le nombre de secouristes est défini selon le plan de premiers secours.

i. Locaux de premiers secours Les locaux de premiers secours ainsi que les emplacements où se trouve le premier secours doivent être signalés au moyen des signes internationaux (croix blanche sur fond vert).

j. Coopération d’entreprises Les entreprises peuvent élaborer un concept avec les entreprises voisines pour les premiers secours. Dans ce cas, il est vivement conseillé que les tâches, obligations et compétences communes soient consignées par écrit. Lorsque des travailleurs de plusieurs entreprises sont occupés sur un même lieu, leurs employeurs doivent convenir d’arrangements propres à assurer le respect des prescriptions de la protection de la santé et ordonner les mesures nécessaires. Ils sont tenus de s’informer réciproquement et d’informer leurs travailleurs respectifs des risques et des mesures prises pour les prévenir (Art. 8 al. 1 OLT 3)

k. Protection des données Les personnes chargées des premiers secours sont soumises à l’obligation de garder le secret, sauf si le patient les en délivre ou s’il est question d’informations médicales utiles dans le cadre de la chaîne des secours. Les personnes chargées des premiers secours ne sont pas autorisées à réaliser une évaluation systématique du patient, soit à relever des données médicales qui violent la protection de la personnalité. Cette dernière tâche est du ressort exclusif du personnel médical (art. 36 commentaire de l’ordonnance 3 relative à la loi sur le travail).

Responsabilité

L’employeur assume l’essentiel de la responsabilité du respect des dispositions de la LTr.

Le fait de confier à un ou plusieurs collaborateurs certaines tâches en matière de protection de la santé ne libère pas l’employeur de ses obligations d’assurer la protection de la santé (art. 7 al 2bis OLT 3).

Règlement d'entreprise

Toute entreprise industrielle est tenue d’avoir un règlement d’entreprise qui doit être soumis à l’examen de l’inspection du travail. Les entreprises non industrielles peuvent édicter volontairement un tel règlement.

Les entreprises qui disposent d’installations fixes à caractère durable pour produire, transformer ou traiter les biens ou pour produire transformer ou transporter de l’énergie sont réputées industrielles au sens de la LTr.

Le règlement d’entreprise doit contenir des dispositions sur la protection de la santé et la prévention des accidents et, en tant que cela est nécessaire, sur l’ordre intérieur et le comportement des collaborateurs dans l’entreprise.

Le règlement d’entreprise peut prévoir des sanctions disciplinaires.

Sanctions pénales

La LTr contient des dispositions pénales (Art. 59 à 62) qui sont des normes de droit pénal administratif qui protègent le respect de la LTr.

Il peut y avoir concours entre ces normes pénales administratives et d’autres infractions du Code pénal (CP), par exemple mise en danger de la vie d’autrui (Art 129), ainsi que les crimes ou délits créant des dangers collectifs, par exemple incendie par négligence (Art 222), supprimer ou omettre d’installer des appareils protecteurs (Art 230).

En résumé

L’employeur doit:

  • prendre les mesures relatives à la sécurité et à la santé au travail;
  • veiller à leur efficacité;
  • procéder régulièrement à des contrôles;
  • adapter les mesures si nécessaire (Art. 3 OLT 3).

L’employeur qui prend les mesures relatives à la sécurité et à la santé au travail:

  • protège ses collaborateurs, mais également
  • se protège contre le risque d’une condamnation pénale et de suites civiles.

Règlement d’entreprise: Le règlement d’entreprise permet de préciser quelques notions parmi lesquelles on peut citer : la responsabilité et les obligations de l’employeur, des responsables et des collaborateurs, de la commission de la protection de la santé et de la prévention des accidents, du responsable de la protection de la santé et de la prévention des accidents, le droit d’accès aux locaux et aux parties dangereuses, les critères de planification des travaux, etc.

Il est conseillé d’établir un règlement d’entreprise.

Ce contenu a été rédigé par le cabinet CJE Avocats Conseillers d’Entreprises.

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