
Assurances et catastrophes naturelles: un défi à notre porte
La récente tragédie de Blatten ravive une question épineuse, à savoir, la difficulté grandissante des assurances à couvrir les entreprises et les individus contre les risques liés aux catastrophes naturelles, de plus en plus fréquentes avec le réchauffement climatique.
Un bruit assourdissant. Des débris qui dévalent la montagne. Un nuage de poussière qui rappelle Pompéi. Ça y est, un village vient d’être rayé de la carte sous nos yeux. Un drame avant tout humain qui fait néanmoins ressurgir des questions de fond sur notre système assurantiel.
En effet, à Blatten, comme dans tout le canton du Valais, l’assurance contre l’incendie et les éléments naturels n’est pas assurée par l’État, et est donc, facultative. Certains ménages auraient-ils oublié l’importance de s’assurer et auraient tout perdu? À priori, il est fort probable que la plupart des bâtiments et leur contenu (inventaire du ménage et biens meubles) soient assurés, selon l’Association Suisse d’Assurances (ASA), même si aucun chiffre n’est avancé. (Source : Newsletter hebdomadaire de la HZ Insurance)
Autres questionnements soulevés par cette catastrophe : les assurances feront-elles preuve de clémence face aux règles en vigueur? En principe, elles couvrent les frais d’une reconstruction dans les 24 mois après la catastrophe. Mais qui sait quand la zone sera suffisamment sécurisée pour commencer à reconstruire? Encore une fois selon l’ASA, il semblerait que les compagnies d’assurances se montreront flexibles sur l’application de leurs conditions générales.
Il est cependant opportun de se repencher aujourd’hui sur le fonctionnement des assurances de dommages naturels et sur ses limites face à l’augmentation des risques climatiques.
Un système suisse non uniforme
Rappelons qu’en Suisse, 19 cantons disposent d’un établissement cantonal d’assurance des bâtiments (ECAB) qui assure obligatoirement tous les bâtiments contre les incendies et les événements naturels (tempête, grêle, inondation, etc.). Ce système est public et fonctionne sur un principe de monopole cantonal.
Néanmoins, le canton du Valais ne dispose pas d’un tel établissement. Le risque y était trop élevé pour mettre en place ce système, notamment à cause du relief et des eaux de ruissellement.
Six autres cantons sont dans le même cas : Genève, le Tessin, Appenzell Rhodes-Extérieures, Bâle-Ville, les Grisons et Zurich. Dans ces 7 cantons, l’assurance contre l’incendie et les éléments naturels n’est pas assurée par l’État, mais par des assureurs privés. L’assurance y est facultative mais fortement recommandée.
Ainsi, dans le contexte de dommages naturels assurés par des compagnies privées (dans les cantons sans ECAB):
- La FINMA surveille que les assureurs respectent les règles liées à l’assurance obligatoire contre les dommages naturels (selon l’art. 171 de la LSA – Loi sur la surveillance des assurances).
- Ces règles imposent une tarification uniforme: tous les assureurs doivent appliquer les mêmes primes et mêmes conditions pour cette couverture (tempêtes, inondations, glissements de terrain, etc.).
- Objectif: éviter la concurrence sur ce type d’assurance, car il s’agit d’un risque de solidarité nationale, avec des catastrophes pouvant toucher beaucoup de monde en même temps.
Un principe de double solidarité louable…
Mais comment fonctionnent exactement ces assurances privées?
L’assurance privée des dommages naturels en Suisse s’appuie sur un système unique au monde, régi par la loi et reposant sur le principe de la double solidarité.
Il s’agit d’une part de la solidarité entre les assurés: chaque preneur d’assurance d’un assureur privé s’acquitte de la même prime, fixée par la FINMA, pour la couverture de base, qu’il réside ou non dans une zone à haut risque. Cette prime uniforme permet d’offrir une couverture d’assurance complète, même dans les régions plus exposées que d’autres aux risques naturels.
La solidarité s’exerce aussi entre les assureurs: en effet, en cas de sinistre, le Pool pour les dommages naturels veille à la compensation des dommages entre les compagnies. Celles qui enregistrent une charge de sinistres inférieure à la moyenne au regard de leur part de marché viennent à la rescousse des compagnies qui détiennent une part de marché importante dans une région donnée afin que ces dernières ne soient pas pénalisées. Par ailleurs, le Pool pour les dommages naturels organise des réassurances se chiffrant en milliards, ceci pour le compte commun de ses membres, et gère une base de données fournie sur les risques naturels. (Source : Newsletter hebdomadaire de la HZ Insurance)
…mais impacté par le capitalisme
Le principe de l’assurance est donc louable, mais le capitalisme a un impact, car l’assureur recherche tout de même la meilleure rentabilité possible.
Ainsi, face à l’augmentation des catastrophes naturelles, les assureurs sont en effet devenus frileux. Chez Loyco, nous déployons de plus en plus de ressources pour encourager le marché des compagnies d’assurances à s’engager et à assumer les risques de nos clients entreprises qui sont exposés à des périls importants.
Selon la Handelzeitung, « parmi les neuf risques naturels assurés (crues, inondations, tempêtes, chutes de grêle, avalanches, pression de la neige, éboulements de rochers, chutes de pierres et glissements de terrain), les crues et les inondations sont chaque année responsables de la majeure partie des dégâts. L’année 2025 fera sûrement exception, car l’éboulement à Blatten, en Valais, devrait à lui seul excéder la somme moyenne annuelle des sinistres. » (Handelzeitung).
Ce phénomène de « démission des assurances » s’observe également en France, comme en atteste le cri de protestation d’un maire des Alpes-Maritimes qui « interdit » les catastrophes naturelles en réponse aux assureurs qui refusent de couvrir les bâtiments de son territoire, après le passage de la tempête Alex, en 2020. Aux États-Unis également, les villas côtières, dont certaines se font déjà engloutir par l’océan, ne sont plus assurées, tout comme certaines résidences exposées aux derniers grands incendies dans le pays.
Un domaine d’activité menacé
Pourtant, les assurances en sont toutes conscientes: si rien ne change, elles perdront leur domaine d’activité si elles ne peuvent plus assurer les risques. Et si elles ne peuvent plus assurer les particuliers ni les entreprises, c’est le tissu économique et social de toute la Suisse qui en sera affecté.
Swiss Re, le numéro deux mondial de la réassurance, a été l’un des premiers acteurs à réagir face à l’intensification des catastrophes naturelles et a intégré très tôt l’analyse des risques liés au réchauffement climatique dans sa stratégie. Axa, par exemple, aussi s’engage à développer des solutions pour réduire les risques climatiques. Ces prises de position et des engagements qui contrastent avec la « démission », en parallèle, de certaines assurances. Une chose est certaine: en plus de la lutte contre le réchauffement climatique et de la bonne gestion des risques, des modèles alternatifs d’assurance, tels que la co-assurance, les pools d’assurance ou les solutions étatiques, doivent être explorés pour pouvoir assurer le bien-être économique et social de notre pays.
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